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De l'argent? Mais pour quoi faire?
27 avril 2011

Welcome to the jungle

La Societé de Marché

 

 Parmi les mots tabous du social-conformisme figurent en priorité «Etat» et «citoyen», remplacés par «société de marché» et «individu» : en deux décennies, la vision du monde que se font les dirigeants a été pervertie par l'idéologie libérale. La politique ne semble plus avoir d'autre objet que de détruire le politique et l'action publique.

Pour l'opinion, il est devenu un acteur de plus en plus faible et impuissant face aux entreprises mondiales et aux «marchés». Pourquoi une telle évolution, en particulier chez des dirigeants se réclamant de la gauche ?

Les explications les plus courantes renvoient généralement à la « crise » de l'Etat social (Welfare State). Elles sont cependant insuffisantes pour comprendre les mécanismes d'auto-dépossession de la puissance publique mis en oeuvre par les dirigeants de la plupart des pays.

C'est la globalisation de l'économie qui a donné force et crédibilité aux arguments. La liberté de circulation des capitaux leur a retiré la maîtrise de la monnaie. La mondialisation des échanges commerciaux, des firmes et des structures de production a dévalorisé l'espace économique national.

Cela a légitimé les mesures de libéralisation qui, dans le cadre de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), puis de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ont fait émerger au cours des deux dernières décennies un pouvoir mondial de régulation soumis aux intérêts des firmes privées géantes avec le soutien et l'accord des gouvernements les plus puissants du monde, en premier lieu de celui des Etats-Unis. Les vagues de déréglementation et de privatisation de pans entiers de l'économie de la plupart des pays ont été le resultat de cette libéralisation.

A cet égard, la politique de la science et de la technologie a joué un rôle central : La «société de l'information», a été confisquée par les grandes entreprises privées : Microsoft, Cisco, Intel, IBM, Ericsson, Nokia, Time Warner & Walt Disney, CNN, Bertelsmann, Murdoch, etc. Selon ces firmes, la société de l'information serait en train de créer une nouvelle politeia, une gouvernance directe, mondiale, sans Etat. Les systèmes d'éducation et de formation ont été soumis aux impératifs de l'économie.

La société est fondée sur des transactions économiques où chaque individu cherche à minimiser les coûts et à maximiser les bénéfices. Le modèle permettant l'optimisation des transactions est évidemment le marché. Il l'emporte sur les autres dispositifs - coopératives, mutuelles, solidarités communautaires, Etat, gratuité - car, pense-t-on, il permet de trouver, entre les individus, des points de consensus sans cesse adaptables (par les prix) en matière d'allocation et de redistribution des ressources. Ainsi, la société devient un marché : la «société de marché» - idée-force, le marché réalise la véritable justice sociale par l'«équité». Contrairement à l'Etat, la «société de marché» serait profondément juste, en permettant à tout individu d'entrer en concurrence, elle lui donne en effet la possibilité de se prendre en charge, d'assurer son bien-être par ses propres initiatives et par sa créativité.

Elle valorise ainsi le principe de la responsabilité individuelle. Celle d'être au chômage, par exemple : c'est parce qu'il n'a pas été suffisamment compétitif que l'individu se trouve sans emploi. Le passage de la notion de droit au travail à celle de démonstration d'«employabilité» montre l'ampleur du glissement idéologique.

A cet égard, dans une société en changement rapide, on ne peut rester compétitif qu'en se donnant les outils appropriés en termes de connaissances, de savoirs et de capacités d'adaptation. L'éducation est le moyen pour y parvenir. Les systèmes d'éducation et de formation ont été soumis aux impératifs de l'économie. A l'individu, ensuite, d'en tirer le meilleur profit dans le cadre de la compétitivité scolaire. Ce faisant, les dirigeants ont avalisé non seulement l'idée qu'il existe des inégalités légitimes, résultant notamment du mérite et de l'effort individuels, mais aussi celle que le système éducatif doit de plus en plus servir à la sélection sociale. Ce que confirme la réalité du vécu quotidien.

On en vient au dernier élément-clé de la nouvelle narration sociétale : le capital est à la source de la valeur ; il en est la mesure, pour tout bien et service matériel et immatériel, y compris la personne humaine. Réduit à sa qualité de «ressource humaine» l'individu n'a plus de «valeur» s'il cesse d'être «rentable».

La société de l'éphémère, la société du jetable, la société des déchets tirent leur «légitimité» de cette conception. Bref, lorsque les dirigeants se réclamant de la gauche disent qu'ils adhèrent désormais à l'économie de marché, ils savent pertinemment que c'est à l'ensemble de ce qui précède - c'est-à-dire à la «société de marché» - qu'ils font allégeance.

 
Extraits de l'Article du Monde Diplomatique "La dépossession de l'Etat"
de Riccardo Petrella.
 
Dérégulation, libéralisation, privatisation, capitalisation, concentration, homogénéisation, standardisation

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  • Dans un monde de plus en plus absurde et surréaliste, certaines notions se doivent d'être analysées et réflechies. Engagez-vous qu'ils disaient! La solution peut être un sursaut d'indignation citoyenne capable de contrer le lobbyisme intensif
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